Maison du Souvenir

J’ai fait partie des brigades d’Irlande.

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J’ai fait partie des brigades d’Irlande.

point  [article]
Martin Lehaen en 1945. (Collection M. Lehaen)

Le Colonel B.E.M., C. Louppe. Commandant de la 4e Brigade d’Infanterie « Steenstraete ». (Collection M. Lehaen)

Départ vers l’Irlande. (Collection M. Lehaen)

Départ vers l’Irlande. (Collection M. Lehaen)

Départ vers l’Irlande. (Collection M. Lehaen)

Les baraquements appelés « Tubes ». (Collection M. Lehaen)

Martin est debout, le deuxième en partant de la droite

Exercices dans la caserne.

Photo de groupe devant un « Tubes ». (Collection M. Lehaen)

Corvée « eau ». (Collection M. Lehaen)

Corvée « patates ». (Collection M. Lehaen)

Vue d’un « Tube ». (Collection M. Lehaen)

Un peu d’escalade. (Collection M. Lehaen)

Exercice. (Collection M. Lehaen)

Exercice. (Collection M. Lehaen)

Les chenillettes. (Collection M. Lehaen)

Martin est à droite.

Les mitrailleuses. (Collection M. Lehaen)

Exercice de tir au mortier. (Collection M. Lehaen)

Exercice de tir au fusil mitrailleur. (Collection M. Lehaen)

Exercice de tir à la mitrailleuse. (Collection M. Lehaen)

Un peu de repos. (Collection M. Lehaen)

Heure du repas. (Collection M. Lehaen)

Mitrailleuse. (Collection M. Lehaen)

Avec la chenillette. (Collection M. Lehaen)

Colonne de chenillettes. (Collection M. Lehaen)

Photo souvenir. (Collection M. Lehaen)

Photo souvenir. (Collection M. Lehaen)

Belle passerelle. (Collection M. Lehaen)

Gros plan de la passerelle. (Collection M. Lehaen)

Roy Martin devant son épicerie. (Collection Banbridge Chronicle)

J’ai fait partie des brigades d’Irlande[1].

Antoine Léonard.

Depuis 1973, année de naissance du Papegaie, de nombreux articles ont souvent évoqué notre empereur Martin Lehaen. Dans ce numéro je vais dévoiler une tranche de sa vie qui, par modestie sans doute, il n’a jamais  voulu évoquer.

Septembre 1944 : la Belgique est libérée. Une des préoccupations principales pour les dirigeants de l’époque fut de reconstituer au plus vite une armée ; ils firent donc appel aux volontaires.

C’est ainsi que plus de 53 000 jeunes gens s’enrôlèrent dans les diverses unités belges constituées pour les recevoir. Il faut  rappeler que si la capitulation allemande en Europe le 8 mai  1945 ne mettait pas fin à la guerre ; elle se poursuivait toujours en Asie. Et ce n’est que par le lâcher de la bombe atomique le 6 août 1945 sur Hiroshima et trois jours plus tard sur Nagasaki que la deuxième guerre mondiale prit fin le 8 septembre 1945 par la capitulation sans condition du Japon.

Fin 1944, il était donc absolument nécessaire pour notre pays de reconstituer son armée car, à ce moment, rien ne permettait d’avancer que la guerre serait finie quelques mois plus tard. De plus, à cette époque, il fallait approvisionner le cadre des troupes d’occupation en Allemagne.

Mais voilà ! Les infrastructures militaires en Belgique étaient insuffisantes et parfois même détruites. Ce fut la raison principale pour la mise sur pied et l’envoi de cinq brigades d’infanterie de cinq mille hommes en Irlande du Nord en vue d’y recevoir un entraînement solide.


Martin Lehaen en 1945. (Collection M. Lehaen)

C’est dans ce contexte historique que Martin Lehaen, accompagné de nombreux autres Visétois  et jeunes gens des villages environnants[2], s’était engagé comme volontaire le 23 janvier 1945. Il avait 19 ans.

Dès qu’il avait entendu l’appel aux volontaires, Martin voulait en découdre avec les Allemands car, il avait toujours souhaité venger son père qui, alors âgé de 17 ans, avait été fait prisonnier civil et avait dû subir des traitements inhumains imposés par ceux-ci durant 18 mois au cours de la première guerre mondiale.

Depuis tout un temps déjà, Martin implorait sa maman de le laisser s’engager dans l’armée, mais celle-ci ne voulait rien entendre. Pour finir et de guerre lasse, devant l’insistance de son fils, elle donna enfin son accord. Celui-ci tout heureux se précipita au Bureau de recrutement de Liège dont il sortit fier et soulagé d’avoir été accepté.

Il fut enrôlé dans la 4ème Brigade d’infanterie d’Irlande « Steenstreate[3] » sous le commandement du colonel B.E.M. Louppe et fut affecté à la compagnie de mitrailleurs appelée « Compagnie Mi-indépendante ».


Le Colonel B.E.M., C. Louppe. Commandant de la 4e Brigade d’Infanterie « Steenstraete ». (Collection M. Lehaen)

Le 21 mars de cette même année, il reçut son ordre de marche pour rejoindre par le  train son lieu de rassemblement, le village de Basècles près de Péruwelz dans le Hainaut.

C’est ainsi que les habitants de ce petit village virent arriver des cohortes de jeunes civils encombrés de leurs valises, souvent un peu perdus par le fait que, pour la première fois de leur vie, ils se retrouvaient seuls, loin de leur famille. De nombreux autres villages environnants vécurent les mêmes scènes.

Martin, comme ses confrères, étaient hébergés chez l’habitant réquisitionné à cet effet.  Il logeait dans une famille en compagnie de José Maes. Le ravitaillement était fourni par l’armée. Le deuxième jour de leur arrivée le sergent demanda de l’aide pour répartir les rations, ce que firent José et Martin. Ce dernier arrêta de s’occuper de cette distribution lorsque sa compagnie rejoignit l’Irlande et Martin demanda à Emile Kinet de le remplacer.

La vie à Basècles dura plus ou moins trois semaines. Les jours étaient occupés par du drill, de la gymnastique, des jeux, des marches afin de garder en forme tous ces jeunes gens. Tous les exercices se faisaient dans leurs vêtements civils car à ce moment, l’armée ne possédait pas encore une réserve d’uniforme militaire. Ils étaient beaux leur costume après une matinée à ramper dans les champs !

Et un beau jour d’avril ce fut le grand départ. Pas le même jour pour tout le monde. Cela se fit d’une manière échelonnée, mais le scénario était relativement le même pour chaque unité.

Martin et ses copains prirent à nouveau le train pour rejoindre un « transit camp » à Ostende installé dans l’ancienne caserne du 3ème de Ligne. Puis ce fut l’embarquement sur les bateaux et en route pour l’Angleterre et plus précisément à Tilbury. Les premiers contacts avec les Anglais ne furent pas des plus chaleureux. A vrai dire, mal rasés, les traits tirés suite à une traversée parfois très secouée, les costumes civils fripés, pas très propres, ils avaient l’air de tout sauf de militaires. D’ailleurs certains les prenaient pour des prisonniers  allemands. Après un repas pris à Tilbury, les soldats furent dirigés vers la gare puis embarqués dans un train qui devait les amener, après avoir traversé toute l’Angleterre, à Wishaw, un faubourg de Glasgow en Ecosse. Peu de temps après, ils embarquèrent sur le bateau « Johan De Witt » et après une nuit de traversée, ils débarquèrent enfin à Belfast en Irlande. Là, les attendaient des camions qui les amenèrent à Gilford leur destination finale. La vraie vie de militaire allait pouvoir commencer !

Ils furent logés dans ce que les soldats appelaient « les tubes ». C’était des baraquements ainsi dénommés parce qu’ils avaient une forme demi-cylindrique fait de tôles ondulées, chaque extrémité étant fermée par une palissade en bois percée d’une porte et de deux petites fenêtres. Dans chaque « tube » logeait plus ou moins 20 soldats. Ces baraquements avaient servi antérieurement à l’armée américaine peu avant le débarquement en Normandie en 1944.


Les baraquements appelés « Tubes ». (Collection M. Lehaen)

Enfin, Martin et ses compatriotes reçurent leurs uniformes et tout le barda militaire. Ils étaient enfin de vrais soldats ! Pas très brillants cependant les uniformes qu’ils avaient reçus ! Ceux-ci n’étaient pas neufs ; c’était plutôt du «réemploi ». Si les caleçons, les camisoles, les chaussettes, les bottines étaient neufs, les Battle-dresses et pantalons semblaient avoir été prélevés sur des blessés à voir le nombre de trous rapiécés dont ils étaient garnis ! Les vêtements neufs qui leur étaient destinés se trouvaient au fond de la mer car le bateau qui les transportait avait été coulé. Bref, c’était toujours mieux que leurs habits civils !

Et la vie de soldat se mit en place.

La journée commençait à 6 heures du matin. C’était alors la ruée vers la baraque des lavabos puis, une fois lavés et habillés, on rangeait les lits (ils étaient faits de 3 ou 4 planches posées sur un trépied d’une vingtaine de centimètre de haut), paillasses bien pliées en deux  et surmontées des couvertures pour former un tout bien compact. Le petit déjeuner était servi dans le réfectoire et consistait  la plupart du temps en porridge, bacon frit, œuf, pain, café. Bref, la quantité y était mais pas souvent la qualité car le porridge était souvent froid et le bacon figé dans sa graisse. C’était ensuite le rassemblement et le salut au drapeau puis chaque unité gagnait ensuite ses quartiers d’exercices.  

Vers la fin mai, Martin fut envoyé à Cromore dans le nord de l’Irlande pour y suivre une formation de chauffeur de chenillette. Une trentaine d’hommes suivait avec lui cette formation. Durant six semaines il y apprit la conduite de ce petit véhicule très mobile et léger. Il ressentait  un véritable plaisir de se trouver aux commandes de ce blindé. Et pourtant sa conduite n’était pas facile car cet engin était assez capricieux et un rien le faisait dévier de la ligne droite. De plus, une caractéristique des chenillettes, c’est qu’elles déchenillaient souvent.  Ainsi, en fin de séjour, sur 26 il en restait encore cinq ou six en état de marche !

Au moment des repas, Martin se rendait à la cuisine et donnait un coup de main aux cuistots notamment pour y faire des œufs pochés et autres plats. Pour lui, ce fut la plus belle période de son service en Irlande. Son écolage terminé, il revint à Gilford comme instructeur et s’occupa de la formation d’autres militaires pour la conduite des chenillettes.


Martin est à droite.

Au cours de son service militaire, il eut l’occasion de visiter durant trois jours la capitale d’Irlande du sud. Pour ce voyage, il était accompagné de José Maes, Joseph Louis de Hermalle et le sergent avec qui il était devenu ami. Arrivés à Dublin, ils entrèrent dans un petit magasin de souvenirs. La fille des propriétaires, qui parlait français, leur proposa de leur faire visiter Dublin. Ils furent bouleversés devant tant de gentillesse, de spontanéité, d’amabilité. Grâce à cette jeune Irlandaise, ils purent découvrir le patrimoine architectural de cette capitale qui possède une haute valeur historique. Nos quatre compères et leur guide bénévole visitèrent la cathédrale Saint Patrick, le château de Dublin, « Trinity College » la plus vieille université irlandaise, le très beau parc de « Merrion square » et bien d’autres endroits encore aussi intéressants les uns que les autres. Et puis à vingt ans, accompagnés d’une jolie demoiselle durant trois jours, pour nos vaillants soldats, la vie était belle !       

Après cette « parenthèse », la vie militaire repris son cours normal avec les exercices, les marches, les tirs, la conduite des chenillettes, les gardes… Le temps passait très vite.

Le départ de l’Irlande fut fixé au 19 septembre. Après une dernière inspection et une remise officielle des locaux, après avoir descendu les couleurs nationales, ce fut le départ pour la gare.

Après le train, les camions,  après les camions, le transit camp du port de Belfast puis ce fut l’embarquement sur le paquebot  « Cameronia » pour rejoindre  Glasgow en Ecosse le 21 septembre.  Aussitôt arrivés, les soldats embarquèrent dans les trains pour aller à Syston pour la Mi-indépendance. Durant ce court séjour en Angleterre, la vie militaire pour nos Visétois et les autres était assez réduite car ils n’avaient aucun matériel. Cela se limitait à quelques exercices physiques, du drill, le parcours de la piste d’obstacles, la marche et la course. A ce moment, les permissions étaient nombreuses et cela permettait aux soldats de visiter Londres Dans le courant de novembre les troupes regagnèrent la Belgique et débarquèrent à Ostende et de là, elles furent dirigées sur Bruges.

La dernière étape pour nos volontaires de guerre fut le départ pour l’Allemagne durant les dernières semaines du mois de décembre. Les troupes s’installèrent en Westphalie et plus précisément à Senden. Alors, les activités se limitèrent à des séances de gardes et de patrouilles sans armes lourdes  ni de véhicules chenillés et cela jusqu’à fin février. Au cours de cette période, Martin et quelques chauffeurs allèrent à Cologne afin de réparer des chenillettes  pour les mettre en état de marche.

Au début du mois de mars, Martin et ses camarades quittèrent Senden et furent casernés à Euskirchen.  Deux petits mois plus tard, durant le mois de mai, il revint à Bruges pour y être démobilisé le 20 mai. La 4ème Brigade sera finalement dissoute en mars 1947.

Martin garde un agréable souvenir de son séjour en Irlande. Il a toujours en mémoire le charme bucolique de la campagne irlandaise, avec ses murs de pierre et sa tourbe noirâtre, le magnifique panorama des montagnes de la Silent Valley (vallée du Silence), du spectacle grandiose de la Chaussée des Géants, la tendresse gentille et affectueuse des jolies filles de là-bas, la simplicité naïve et la cordialité émouvante des fiers habitants de cette île.


La Chaussée des Géants (Irlande)




Roy MARTIN

VINCENT François.

       Roy, qui a aujourd'hui 85 ans, gérait jusqu'à il y a trois ans une épicerie qui est une véritable pièce de musée. Je suis sûr que certains des anciens soldats belges ont encore en mémoire cette épicerie qui n'a absolument pas changé depuis la guerre.


Roy Martin devant son épicerie. (Collection Banbridge Chronicle)

       Roy a bien évidemment évoqué ses nombreux contacts aves les soldats belges. A ce jour, d’ailleurs, il parle couramment le français qu’il a appris avec les soldats. En plus de les ravitailler en provisions, il leur transmettait courrier et télégrammes. Certains soldats, qui fréquentaient les jeunes filles du coin, venaient d’ailleurs le trouver pour qu’il traduise leurs billets doux !



[1] Article paru dans le Papegaie « Le journal des Anciens Arquebusiers de Visé » n° 111 du mois de mai 2010.

[2] Liste des volontaires de la 4ème brigade pour Visé et environs : Albert Laurent (Argenteau) – Demaret Fernand (Hermalle S/Argenteau) – Gerbehaye Arthur (Visé) –Charlier Albert (Hermalle/Argenteau) – Gathoye Albert (Visé) – Babe Louis (Hermalle/Argenteau) – Chastreux Jean (Visé) – Derkenne Louis (Hermalle /Argenteau) – Paquay Maurice (Visé) – Levaux Emile (Bombaye) – Renson Michel (Cheratte) – Van Calster Gérard (Visé) – Van Calster Jules (Visé) – Van Welden Fernand (Haccourt) – Verdin Léon ( Lixhe) – Walthéry Léon (Visé) – Zwerg Edmond (Visé) – Wolf Maurice (Visé) – Romedenne Georges (Visé) – Nemery Florian (Visé) – Gilliquet Jean (Visé) – Lognoul Guillaume (Aubin) – Verjans Jean (Visé) – Leteheux Robert (Lixhe) – Houbiers Pierre (Visé) – Humblet Francis (Visé) – Kinet Alfred ( Visé) – Kinet Emile (Visé) – Lefebre René (Visé) – Lehaen Martin (Visé) – Meers Gérard ( Visé) – Mélen Henry ( Dalhem) – Jaminet François ( Hermalle/Argenteau) – Louis Joseph (Hermalle /Argenteau) – Maes José (Visé) – Simon Guy (Visé) – Masy Willy (Visé).

[3] Cette brigade reçut l’appellation « Steenstraete » car elle reprenait la tradition des Grenadiers qui s’illustrèrent lors de cette bataille en 1915.



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